Nous sommes mi mai 2018, 7 jours après que mon oncologue m’ai annoncé que j’étais en « rémission » (il me reste un an d’Avastin pour éviter les récidives néanmoins).
Un certain soulagement 🙂 mais bizarrement je n’ai pas sauté de joie. J’ai prévenu tous mes amis bien sûr avec beaucoup de joie mais je ne me suis pas sentie très soulagée. Un contre coup….
Pendant le rdv avec mon oncologue, nous avons parlé de la reprise du travail. Elle m’a proposé de prolonger mon arrêt pour prendre le temps de se poser avant de replonger dans le grand bain:
« Le temps psychique est différent du temps physique. »
Cette phrase est très vraie en ce qui me concerne. Tant que j’étais en traitement, j’étais presque dans « l’hyper action » en enchaînant les rdv, les traitements, l’opération etc. Du coup, je planifiais déjà la suite dans la même force de mouvement que celle pour la guérison: Je finis les traitements, puis je prends rdv avec l’apec pour faire le point puis reprend le boulot en mi-temps thérapeutique etc etc.
Sauf qu’une semaine après l’annonce de la rémission, je suis comme dans un flottement. Une sorte de « pause » où je commence à regarder en arrière et me rends compte de certaines choses. La violence du traitement, de l’opération, des annonces…. Stade 3 c…. Je crois que je touche un peu ce que je n’ai pas voulu voir pendant mes traitements (et inutile à voir pendant les traitements), la gravité de la maladie, le cancer, la fragilité de la santé et cette ombre pas loin, celle de la récidive qui pourrait pointer le bout de son nez. Je pense que le « Bonne année et bonne santé » ou « A ta santé » n’auront plus jamais la même valeur à mes yeux.
Je me rends compte également que j’ai changé, fondamentalement et profondément.
Un changement physique déjà, j’ai perdu 7 kilos, mon IMC est toujours dans le vert mais j’ai un corps plus élancé (il faut bien voir un avantage à tout ce bazar) mais un peu « mou » après ces mois d’activité réduite (reprise du Pilates et de la piscine rapide!). J’ai une cicatrice de 33 centimètres sur le ventre, une cicatrice au dessus du PAC, et un PAC qui ressort bien (je suis un petit gabarit). Mes cheveux à J+30 de ma dernière chimio ne sont pas encore revenus. J’ai quelques cheveux blancs qui poussent de façon anarchique (on a les cheveux blancs tôt dans la famille).
Je suis en rémission mais je n’ai toujours pas mes cheveux. Je ne suis toujours pas revenue « à la normale » et tant qu’ils ne seront pas là, je ne pourrai pas me dire que c’est fini.
J’ai également changé psychiquement, je m’en rends compte maintenant. J’ai plus envie de ma vie d’avant, je ne vois plus les choses de la même manière mais d’un autre côté je ne sais plus vraiment ce que je veux maintenant. Je sais ce que je ne veux plus, mais je ne sais pas ce que je veux… Je perçois des changements dans mon comportement mais n’arrive pas à voir la finalité. Comme si je commençais à peindre sur une toile le nouveau « moi », mais que pour le moment je n’ai que quelques contours qui se dessinent.
Plus la vie d’avant, c’est aussi plus son job d’avant… Mais alors pour quoi ? La même entreprise en appréhendant son job différent ? Une autre entreprise mais dans le même secteur ? …
J’ai envie de changement mais je ne sais pour vers quoi. J’ai reçu une proposition pour un nouveau job il y a 3 jours. Quand je l’ai ouverte, impossible de réfléchir et de me faire une idée: Est ce que le poste me plait ? l’entreprise ? le projet ? Comme si j’étais bloquée et qu’on me renvoyait à la figure la « vraie » vie. Un choc où on me ramène à ce que l’on attend de moi: retourner travailler, reprendre la vie d’avant.
Mais voilà, je ne suis plus la même. Il faut se réinventer. Mais comment ?
Cette réaction est apparemment très commune et connue des médecins. Je me rappelle de la psychologue de Pompidou qui m’avait dit qu’elle suivait plus de patients post-rémission que pendant les traitements.
J’en ai également discuté avec une autre k-fighteuse du cancer de l’ovaire qui est en rémission depuis quelques mois. Elle se trouve dans la même situation. On a envie de tout changer mais pour remplacer par quoi ?
On est pas prêtes. Il va falloir laisser un peu de temps à tout ça pour se décanter et dessiner les contours de ce que l’on veut au fur et à mesure.