Dans trois jours, je passe la fameuse barre des 35 ans.
Un peu compliquée cette barre d’un point vue chiffre § On est désormais plus proche des 40 ans que des 30!
Un peu compliquée car j’ai surtout et aussi l’impression d’avoir « raté » mes 5 dernières années. « Raté » n’est pas forcément le mot mais ces 5 années ont été particulièrement difficiles.
Cela a commencé au passage des 30 ans.
Déjà, à ce moment là, on se disait que j’avais bien « sentie » ce passage. Beaucoup de chose ont dû être remises en cause dont mes amitiés du moment.
En effet, quelques mois après ce passage de la trentaine, un gros tri s’est effectué dans mon groupe d’ami: Des vacances cauchemardesque avec une de mes amies « proche », des jugements par des gens que l’on considère comme nos amis proches… Je m’en suis éloignée pour me protéger. La marque la plus visible de cela est que sur la vingtaine d’amis présents pour mes 30 ans, seuls 5/6 seront au courant, 2 ans après, que j’ai eu un cancer. Je suis partie du principe que si on me demandait pas comment cela allait, je n’allais pas envoyer des sms en mode « Hey ca va? Au fait j’ai un cancer! ». Je ne le disais donc qu’aux personnes me demandant des nouvelles. La grande majorité de ces personnes ne savent encore pas, 5 ans après, que j’ai été malade.
Niveau professionnel, c’était également très compliqué, de plus en plus compliqué. Tellement qu’au moment où un des gynécos que j’ai vu avant le diagnostique m’a dit que c’était certainement bénin et qu’il faudrait quand même opérer, j’étais contente d’avoir un peu d’air avec un petit mois d’arrêt. J’étais épuisée nerveusement et physiquement par la situation dans mon entreprise (même si pour la partie physique, avec du recul, on se doute qu’autre chose faisait largement sont oeuvre).
Au final, ce mois d’arrêt s’est transformé en 1 an et demi…
Puis le cancer… L’opération, les multiples chimios…. Je pense qu’il y a sur ce blog assez d’articles parlant de cette période pour en ajouté ici 🙂
Après le cancer, le boulot… Perdu… Des mois de négociation, avocat en ligne de mire juste pour récupérer ce qui m’est dû en terme de compensation. Ils n’ont pas voulu me rendre mon poste.
En même temps, je gère les entretiens. Des vingtaines d’entretiens sur 6/7 mois, à cacher que je suis en fait en arrêt, à cacher que je suis particulièrement fragilisée sur ce que je sais faire car cela fait maintenant plus d’un an que je n’ai pas travaillé, à faire illusion tout en gérant les mois de négociation avec mon entreprise actuelle qui ne lâchera qu’après 9 mois de négociation, le stress de trouver un travail, et une fois trouvé, de régler en temps et en heure la négociation avec mon entreprise actuelle pour que tout se goupille bien.
Je trouve enfin un job, mais c’est bizarre. Petite entreprise, le dirigeant est spécial mais pourquoi pas. J’ai besoin de changer. Il m’invite un peu à la dernière minute à un séminaire à Ibiza alors que je ne fais même pas encore partie de l’entreprise. Je cache en même temps que je suis en négo avec mon entreprise mais je lui lâche qq infos par pure besoin de sincérité dans une entreprise que je dois rejoindre 3 semaines après. Une journée après le retour de ce séminaire, je reçois un mail interminable et incendiaire sur moi, ma façon de faire, le fait qu’il sent que je ne suis pas sincère… Un jugement en bon et dû forme, et complètement arbitraire. Je perds le job.
Sur le coup, je suis anéantie car c’était enfin une porte de sortie et un retour à la normalité après des mois de traitement, même si je terminais l’avastin que quelques jours avant ma prise de poste officiel.
Je dois répondre à son mail. Je prends quelques jours et je finis par le remettre à sa place. Je lui notifie qu’il n’aura pas plus d’information sur ma situation de négociation avec mon entreprise actuelle car la négociation est confidentielle et que ma situation ne regarde que moi.
Aujourd’hui, je suis contente de ne pas lui avoir tout balancé: Mec, j’ai eu un cancer et mon entreprise a juste voulu me virer sans rien ! C’est pas moi qui ai voulu ça ! Je ne suis pas le bourreau dans cette affaire, ne te trompes pas de personne !
Sur le coup cela m’aurait fait du bien mais inutile de donner ce genre d’information à ce genre de personne. Cela ne m’aurait apporté rien de plus à part la peur qu’il puisse donner cette information à n’importe qui et surtout la déformer.
Voilà, je reviens au point de départ.
Puis on m’appelle. Ou plutôt on me rappelle pour que je retourne voir un DG d’un groupe que j’ai vu en quelques mois avant. J’ai refusé le poste qu’il m’avait proposé: le poste n’était pas clair et surtout, il avait appelé mon ancienne entreprise. Il m’a balancé dans les 5 premières minutes de mon entretien « Ah c’est vous qui êtes en arrêt maladie depuis un an ? ». Plus tard il m’a demandé mon avis sur la DRH, auquel j’ai répondu que je ne la connaissais pas assez pour en avoir un. Sa réponse était nette « Vous dîtes ça parce qu’elle veut vous virer! »…. et un au revoir suivi d’un « c’est bon, vous êtes plus malade maintenant? »…. J’avais logiquement refusé ce poste !
Mais voila, il m’a rappelé. Il veut que je vienne dans son entreprise. Je le savais, je savais que cela n’allait pas être la lune de miel au vu des entretiens, mais à ce moment là, j’avais non seulement besoin de travailler pour mon équilibre psychique, mais cela m’a aussi flatté l’égo. Il me veut dans son entreprise.
Les premiers mois se passent bien. Puis changement de direction. Opération chaises musicales et surtout changement de chef direct.
C’était déjà compliqué, c’est devenu un enfer. Le covid passant par là et mon télétravail poursuivi pour me protéger d’une entreprise qui déteste le télétravail pour pouvoir mieux nous surveiller, et respecte en surface uniquement les mesures sanitaires.
Merci, mais je connais déjà les soins intensifs. J’étais il y a moins d’un an encore dans un hôpital pour avoir des injections d’avastin. Ma santé passera TOUJOURS avant les décisions limites des entreprises.
Mise au placard…
J’en profite pour rechercher quelque chose qui me correspond mieux. Mais voilà, cela prend du temps… Les réponses à des entretiens dépassent largement les dates qu’on m’avait annoncées.
Bref, tout cela pour dire que LA VIE EST UNE PETITE CATIN !
Je sais que je suis une privilégiée, que j’ai échappé à l’un des cancers gynéco les plus meurtriés, que beaucoup ne sont plus là pour en parler…. Mais mon caractère ce n’est pas ça.
Je n’ai pas l’habitude de me comparer à pire ! J’ai souvent cela avec mon entreprise: « oh tu sais c’est pire ailleurs »! J’entends souvent cela. C’est insupportable pour moi!
C’est mon caractère: Ce n’est pas en ce comparant à pire qu’on s’améliore ! Au contraire ! Ce n’est pas parce qu’on voit que d’autres ne s’en sont pas sorti de cette maladie de m*** qu’est le cancer qu’on ne va pas s’en sortir non plus !
Donc oui j’ai été privilégiée de me sortir de cette merde (2 ans de rémission, je continue de flipper un max au moment des examens…), mais j’aimerais bien aujourd’hui un peu d’air pour la suite…
Comme dirait nos amis anglo-saxons à la vie: Please, Give me a Break !
Alors j’ai une théorie: Vu que tout à commencer à « bullshiter » quand j’ai eu 30 ans, peut-être qu’une fois les 35 passés, cela va me permettre enfin de sortir de cette période négative et que je pourrais enfin me rapprocher de cet idéal de vie, même si je ne suis pas naïve, si je peux au moins m’en approcher un peu, je serai contente !
En tout cas, j’y crois fort !
Merci Chris pour cet article… il est ouf, dur mais fort de sincérité et d’intelligence (et toujours aussi bien écrit). Je crois fort à une bague de positive news/vibe/events pour les 35ans.. un gros bisou
Je vois ce commentaire au moment où justement je vais écrire un nouvel article 🙂
Je te laisse le lire d’ici ce soir 🙂
Merci et gros bisousssss