« Courage » & phrases assassines

Je souhaitais m’arrêter un instant sur ce mot « Courage » et les phrases assassines que l’on peut entendre pendant nos traitements.
Le mot courage est beaucoup utilisé lors de l’apparition d’une maladie comme le cancer, parfois beaucoup trop.

Avant de parler des phrases toutes faites autour du fameux « courage », j’aimerais revenir sur le courage face à la maladie.
Beaucoup de personne m’ont dit que j’avais du « courage » face à ce cancer.
Pour moi, le courage, c’est se lancer dans une expérience demandant de mobiliser toutes ses forces en ignorant ses craintes.
Quand on m’a annoncé le cancer, je me suis retrouvée au pied d’un mur. Soit j’avance, soit… et bien pas le choix ! Cela n’a pour moi rien à voir avec du courage car plein de craintes que l’on ne peut ignorer, mais il faut avancer.

Ensuite, il y a les phrases « agaçantes » que l’on nous sert régulièrement.
Cela part d’un bon sentiment mais peuvent vite devenir très très agaçant quand on réfléchit au sens des phrases.
Je suis consciente qu’il est très difficile d’être « aidant ». C’est une position délicate et on ne sait pas toujours quoi dire à la personne en face. Personnellement, j’avais juste besoin que les gens soient là, m’accompagnent. Certaines des phrases ci-dessous traduisent beaucoup plus l’angoisse de ceux qui les disent que le réel soutien au malade.

Petite liste non exhaustive des phrases que je qualifie « d’agaçantes »:

« Allez, bon courage ! »
Phrase sortie par un « ami » en partant, c’est ça, bon courage moi je me casse !

« Bon courage tu vas en avoir besoin »
S’il avait eu la classe de s’arrêter après courage c’était presque bien !

 » Je sais que tu vas passer par des moments difficiles mais je suis sur que tu vas t’en sortir »
Comment sais tu comment sont ces moments difficiles assise derrière ton bureau, et pour le « tu vas t’en sortir », tu es médecin ?

« Sois forte ! »
Certainement l’une des plus désagréables pour moi. Est-ce que j’ai le choix ??? A noter que l’on fait ce que l’on peut et pas ce que l’on veut 🙂

« Je sais que tu as un caractère bien trempé qui te permettra de t’en sortir »
Si cela tenait qu’à ça, on serait moins ronchon dans les hôpitaux !

Lors d’une chimio avant opération:

Nous sommes deux dans la salle de chimio de l’hôpital de jour avec un homme d’un certain âge (cancer de la prostate) qui veut absolument parler:
 » C’est quand même une grosse opération que vous allez avoir »
moi: « Oui mais je vais être opérée par un très bon professeur »
lui: « oui mais quand même, c’est une très grosse opération »
moi: « Merci de ne pas me déprimer ! »
lui: « Vous avez eu les taux de rémission ? »
moi: « J’ai un cancer dont la moyenne d’âge est 65 ans alors que j’en ai 32 ! Je suis déjà hors statistique ! »

Toujours pendant cette séance, lui comprenant l’impacte physique de mon cancer pose LA question:
 » Vous avez eu le temps d’avoir des enfants? » (rien que la formulation de cette phrase m’hérisse le poil!)
moi: « Non, sujet sensible »
On croirait qu’il s’arrêterai là, mais non
lui: « Ah moi j’ai plein d’amis qui ont adopté, j’ai plein d’enfants adoptés autour de moi »
Je n’ai pas répondu… laissons un ange passer…

Rendez-vous avec l’infirmière d’anesthésie pour un cardiogramme de préparation à l’opération:

 » Vous avez des enfants ? »
moi:  » Non »
elle: « Moi j’ai 4 garçons, ba franchement, c’est pas très cool ! »
Hum ok….

Phrase glaçante: Lors de ma dernière nuit à l’hôpital, discussion avec l’infirmière de nuit

L’infirmière: « Je suis vraiment très contente que vous puissiez sortir même si vous allez nous manquer »
Moi: « Merci, mais pas sûr que mes multiples demandes d’antalgique vous manque ! »
Elle: « Ah non ça c’est rien! Je suis contente car nous avons peu d’Happy Ending »

Message reçu d’une amie perdue de vu depuis quelques années à qui je viens d’expliquer que j’ai un cancer des ovaires:

Elle: « Je sais que tu t’en sortira, tu as le caractère pour » (si seulement le caractère suffisait!)
Elle suite: « moi ca va sauf que j’ai eu deux enfants très rapprochés et du coup c’est vraiment pas facile. J’ai du mal à joindre les deux bouts »
Je ne suis pas sûr d’être la bonne personne pour te plaindre d’un retour de couche actuellement !

Un mail de la part d’une personne de mon équipe ayant appris que j’avais un cancer:

« J’ai appris que tu étais gravement malade »
Pour elle, je dois certainement être déjà pas loin des soins palliatifs avec ce mot « gravement »…

Plus largement:

 » Allez, c’est qu’un mauvais moment à passer après ca ira »
Bon déjà, tu sais pas ce que c’est ce genre de « mauvais moment », tu ne sais pas non plus si ça ira après, tu n’es pas médecin !

« J’avais peur de te voir, de te voir malade, mais là tu as l’air vraiment bien »
Déjà sur la peur de me voir malade, cela peut paraître égoïste de ma part mais est-ce qu’on peut un instant penser plutôt à ma joie de revoir une amie plutôt qu’à son angoisse de me voir malade ? Pour la deuxième partie, oui, désolée également de ne pas avoir l’air à l’article de la mort!

Dans la salle d’attente du Professeur, en retard de presque deux heures:

Une première patiente: Il a presque deux heures de retard tout ça parce qu’il est allé papoter dans son bureau.
Moi: C’était peut être une urgence.
Elle: Ils avaient l’air de se connaître !
Moi: Il a passé plusieurs heures en salle d’opération avec nous et nous a sauvé la vie, on peut lui accorder un peu de temps non? (en souriant largement 🙂 )
Elle: Pour « sauver la vie » cela reste à voir.
Ambiance…

Un peu plus tard, toujours dans cette salle d’attente, nous avions calculé avec les dernières patientes combien de rdv il restait et notre ordre de passage. Une patiente qui réalise qu’elle a encore 3 personnes devant elle: « C’est pas très sympa, il va falloir que j’attende le plus alors que MOI je suis en convalescence ! »
Alors ça tombe bien, nous on venait pour lui proposer un bowling!

Ces phrases sont souvent assorties du verbe « savoir »: Je sais que cela sera difficile, je sais que tu vas t’en sortir… C’est compliqué à attendre, en tout cas cela l’était pour moi.
Pour moi, « savoir » c’est l’avoir vécu. C’est pour cela qu’il est compliqué de l’entendre d’une personne qui ne fait même pas partie de son cercle intime et donc ne vit pas cela avec vous tous les jours.
Certains de nos proches peuvent « comprendre » par contre 🙂

Les spéciales « post-rémission »:

« Au final, tu as eu de la chance! »
Soyons bien clair, arriver à être en rémission ne tient pas de la chance. La chance c’est quand on gagne au loto, qu’on est tiré au sort d’un concours ou autre. Quand on endure les chimios, les opérations, l’hospitalisation, les douleurs etc. ce n’est pas de la chance mais de la persévérance 🙂

« Ca te va bien les cheveux courts mais n’oublie pas de te maquiller sinon on dirait un mec ou une lesbienne »
Rien que la stigmatisation est énervante !

Last but not least: Certainement la phrase la plus « marquante » pour moi lors des traitements par un médecin:

« Maintenant, vous savez ce qui est grave ! »

Pour retrouver beaucoup d’autres phrases assassines, je vous conseille le « rose magazine » avec son bêtisier !

 

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10 commentaires sur “« Courage » & phrases assassines”

  1. Tout à fait vrai !
    Lors de l’annonce de mon cancer à une amie,.elle m’à répondu:  » ce n’est pas grave, des ovaires, on peut s’en passer »
    -ok, si tu le dis…

    1. Bonjour Danielle,

      Je la mettrais bien dans un top 3 celle là aussi!
      J’ai eu un truc de ce genre avec: « J’aurai préféré l’infertilité que d’avoir une maladie chronique !  » Venant de quelqu’un ayant trois enfants…
      La liste est infinie malheureusement !

  2. Ma fille accouche le 4 juillet…Une personne très proche et certainement empathique, lui a dit: « ce serait bien que maman tienne jusqu’à l’accouchement » . ?? Voyons.. voyons..je la raye de mon répertoire …oui.

  3. La dernière fois que je suis allé voir ma généraliste qui avait largement aussi peur que moi si ce n’ est plus à mon avis, elle m’a dit : « avec ce que vous avez c’est normal d’avoir des objectifs à court terme » Je pense qu’il n’a pas fait exprès mais je ne l’oublierai jamais ☹️ En même temps elle n’a pas vraiment tort je ne lui en veux donc pas… Elle aurait pu toutefois le garder pour elle-même .

    1. Beaucoup d’indélicatesse…
      Je crois que la phrase que je retiendrai de mon médecin c’est: « Maintenant vous savez ce qui est grave ». Je crois que je ne l’oublierais pas celle ci.

      Plein de force en tout cas pour affronter tout ça ! (CES petites phrases en font parties)

  4. On se retrouve tellement dans toutes ces phrases assassines.
    – J’étais à un anniversaire le mois dernier. Je m’occupais du bébé d’une amie. Son beau frère que je connais bien me dis nature peinture « tu t’occupes trop bien du petit, t’aurai été une bonne mère »
    Ça m’à glacé le sang, retourné l’estomac.
    – quand j’ai su que j’allais perdre mes cheveux, la phrase que je ne supporte plus d’entendre : « t’inquiète ils vont repousser » bah oui ça va repousser, viens raser tes cheveux avec moi, on verra si c’est aussi simple que ça.
    Bref ce sont des phrases qui partent d’une bonne intention mais bon.

    1. Bonjour Marina,
      Pour le beau frère, je crois que j’aurai été du genre à répondre: l’adoption ou la GPA tu connais ?
      Pour les cheveux, je l’ai eu aussi beaucoup mais c’est vrai, ca part d’une bonne attention pour te rassurer. C’est vrai ca va repousser mais on a pas forcément envie de l’entendre, on veut le voir!!

  5. Peut être pourrait on faire un recueil à destination des maladroits ! A dire à éviter…. et verser les recettes à la recherche !
    j’ai aussi eu du mal avec «  quand on a appris on a eu du mal à s’en remettre » ! ?
    Mais comme dit notre blogueuse ça part généralement d’un bon sentiment et peut être aussi cela traduit-il leurs propres angoisses…

    1. Ahaha Oui j’ai eu aussi ca, le fameux: j’avais peur de te voir car j’avais peur de te voir malade !
      Ce sont effectivement leurs angoisses qui ressortent ! Ca aide pas beaucoup ! 🙂

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